A un peu plus de deux semaines de l’ouverture des championnats du Monde à Suzhou, en Chine, la fédération internationale a dévoilé la liste des têtes de série. Parmi elles, les Français Simon Gauzy, Adrien Mattenet et Emmanuel Lebesson. Abdel-Kader Salifou, qui, rappelons-le, débuta à l’ORTT, devra en passer par les qualifications.
Aujourd’hui, la Chine est devenue officiellement la première puissance économique du monde et les Chinois dominent la planète du ping. Y-a-t-il un lien ? Sait-on comment l’histoire a commencé ?
Il faut rappeler d’abord que Mao-tsé-toung, ce tyran, ce despote, était aussi un grand stratège militaire (la Longue marche est une des grandes épopées du XXe siècle) doublé d’un grand politique qui, rompant avec l’URSS au début des années 60, allait faire de son pays une force politique mondiale majeure. Le général De Gaulle, autre grande figure historique, ne s’y trompa pas qui fit en sorte que, dès 1964, la France fut le premier pays occidental à reconnaître la Chine populaire (on a fêté le 50e anniversaire l’an dernier).
Mais sait-on que Mao, entre deux batailles (ou quand il n’écrivait pas des poèmes), aimait aussi jouer au ping-pong ? Eh bien oui. Par tous les temps. La preuve par la photographie.
Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si le ping-pong joua un rôle considérable dans l’histoire récente. Faisons un peu d’histoire.
On sait que, quand la Chine décida en 1971 de rompre son isolement international et d’inviter Nixon à Pékin, cela commença par la « diplomatie ping-pong ». On sait moins par quels détails cette subtile diplomatie se mit en place.
Lors des championnats du monde de tennis de table qui se tiennent au Japon en 1971 (un Français y bat tous les meilleurs joueurs mondiaux), l’atmosphère est lourde — en raison du contentieux sino-américain — entre les délégations des deux pays. Elle manque même de tourner au drame lorsque, un matin, Glenn Cowan, le capitaine de l’équipe américaine se trompe de bus et monte dans celui de l’équipe chinoise. Les chinois se demandent s’il s’agit d’une provocation. Finalement c’est Zhuang Zedong, le triple champion du monde chinois, qui décrispe la situation en venant s’asseoir à côté de l’Américain. Les deux hommes engagent la conversation et, à la descente du bus, Zhuang offre à l’Américain une peinture sur soie représentant un paysage de Huangshan, devant des photographes incrédules. Le lendemain, la photo fait le tour de la planète.
Aussitôt après, l’un des responsables de la délégation américaine, mandaté par Nixon, vient remercier le capitaine chinois et formule le voeu que l’équipe américaine soit invitée à faire une tournée en Chine. C’est chose faite en avril 1971. L’équipe des États-Unis rencontre à Pékin son homologue chinoise (sous le signe de l’ « Amitié ») et, malgré la volonté des Chinois de ne pas humilier leurs adversaires, perd par 13-0. Ce match de tennis de table a été le premier pas vers l’ouverture de relations diplomatiques entre les deux pays. En octobre, la Chine entre à l’ONU. En février 1972, Nixon est à Pékin. Évidemment, il ne s’agissait là ni d’« amitié » ni de « manipulation des sportifs par les politiques » comme l’ont dit des esprits angéliques, mais de la mise en application subtile de « L’art de la guerre » de Sunzi !
Jacques Secrétin, champion français de tennis de table (gaucher, 235 médailles, 65 fois champion de France en simple, double et par équipes !), raconte cela à merveille dans son livre Je suis un enfant de la balle (février 2007, éditions Jacob-Duvernet).
Le tennis de table n’a pas été inventé en Chine mais en Angleterre à la fin du XIXe siècle. En Europe donc. Saura-t-on s’en souvenir ?
Albert Gauvin
PS : Zhuang, devenu en 1973 le favori de Jian Qing, l’épouse de Mao, verra sa carrière stoppée net en 1976, peu après la chute de la « Bande des quatre ». Il passera dix ans en prison. Il s’occupe aujourd’hui de deux écoles de tennis de table à Pékin et Jinan.